Effets des crises de légitimité des intervenants sur les Violences conjugales et les contextes conjugaux violents,
SBPCPV 03-2020 Effets des crises de légitimité, violences conjugales. L-M Villerbu
Préambule
Le virus, peut-on écrire, prospère sur la censure comme le harcèlement ne tient qu’au silence dans lequel il est clos. La langue utilisée aujourd’hui pour décrire les violences en milieu conjugal et les acteurs comme les victimes de ces violences emprunte largement au vocabulaire des épidémies et pandémies : milieu toxique, personnes toxiques, confinement, etc.
Des pratiques et des intervenants en crise de légitimité sont rendus apparents par les résistances qui leur sont opposées : mises en cause, ou à l’opposé, les refus de faire appel à leurs conditions ? Contestation, revendication ou indifférence volontaire à leur endroit : chercher autrement une solution. Rendus à un anonymat contestation de leur présence commet réaménage-t-il leur légitimité ? On n’oubliera que ces propositions ne peuvent masquer la profonde délégitimé des acteurs santé/ justice/social… au cours de ces dernières années, et ayant donné lieu à toutes ces constructions dans les réseaux sociaux, constructions pour lesquels certains critiques ont parlé de tribunaux populaires. Ceux-là oblitérant le manque à comprendre des personnes victimes de violences en contextes conjugaux, ou en contexte de dépendance multiple.
Ne plus faire confiance et s’y résigner faute de mieux, donner à croire que la confiance existe puisqu’il n’y’ a pas d’autres moyens de se faire écouter… a engendré d’autres formes d’existence de reconnaissance, par exemple jusqu’ à nier abusivement le fait d’être une victime selon les textes. Sans doute également à trop croire que santé, justice, social… tiennent la solution finale, nous avons omis de prendre du temps pour mettre en cause nos structures de pouvoir et d’intervention, enfermés dans des territoires disciplinaires et leurs colonies, dans nos croyances environnementales…. A confondre équité et justice, sans doute a-t-on trop délégué aux textes et aux acteurs des textes
S’agit-il de repenser de bonnes pratiques ou de traiter de la résistance à l’endroit des acteurs et de leurs dispositifs de traitement, de la contestation de leurs références ? De leurs textes d’applications de leurs formations et de l’évaluation de leurs interventions ?
Les violences dites conjugales gênent plus que jamais. Ce n’est plus leur émergence qui est en cause, ce n’est plus leur émergence qui fait rupture avec un mode « ancien » de lecture, mais leur traitement, en amont ou à l’aval. La notion est présente, la référence existe mais jusqu’à présent résistait la prise en considération des urgences qu’elles imposent ou des destructions opérées et à venir. Elles n’étaient pas « vues » dans une perspective épidémique, en cluster, mais comme des moments plus ou moins isolés les uns des autres, à traiter et qu’un texte référentiel identifiait avec une maitrise du temps indifférente à la santé psychique des personnes victimes ou encore des auteurs !
L’invention tardive du terme, féminicide, a donné forme aux statistiques rendues publiques, de meurtres en couple où la femme, victime, est largement majoritaire. Il n’y a pas que violences ordinaires : meurtres et assassinats sont perceptibles, tout d’un coup réels. Et quand bien même ce n’est pas la victime elle-même qui est détruite mais se détruit dans ces conditions, la notion de meurtre par procuration ne peut être loin ; se faire le bras armé d’un tiers, contre soi est ce pensable et avec quels termes de références à un texte formel de droit ? Que dire alors de ces femmes qui tuent et pour lesquelles on craint autant de parler de légitime défense, parce que, textuellement, formellement, le lien peine à s’établir entre les faits et une situation immédiate de défense ? Résistance du texte de référence, résistance des savoirs disciplinaires qui font références, résistance des dispositifs de prise en charge enfermées dans les limites de leur objet- mission ?
Les violences conjugales se tiennent dans un milieu pathogène, interne et externe. Interne comme effet d’une structure anthropologique de conjugalité, des acteurs porteurs de ce qui fait violence agie/subie, externe comme effet d’un environnement insuffisamment sollicité ou se proposant à mauvais escient. On l’a vu, ce milieu pathogène/iatrogène est décrit avec les mots de la virulence épidémique : milieu toxique, personne toxique, environnement toxique, parents toxiques, etc.
Transfert de concepts, colonisation disciplinaire… peut être, dans tous les cas un espace imaginaire aux limites du scientifique, se dégage. Qui dit toxique dit une vulnérabilité à l’agent infectieux, aux agressions subies/agies, et ne peut dès lors que susciter des interrogations sur et pour la personne victime autant que la personne auteur des violences. La problématique n’est plus de démontrer une réalité, celles des violences conjugales, mais de dire ce qui fait résistance à sa saisie, parce que les dispositifs d’intervention n’ont pas été créés ou rodés avec les effets attendus de cette création : la pluralité des entrées dans le phénomène et son traitement, en amont et en aval. Espaces hyper cloisonnés, en auto suffisance, que le Grenelle a exemplarisé à plusieurs reprises.
C’est en ce sens que nous pouvons avancer que les violences en milieu conjugal font résistances à des constructions institutionnelles désormais en crise de légitimité, et amenés par la contrainte sociétale « armée » à se modifier. Sans un traitement de ce cadre d’interventions on considèrera que les violences y sont par lui, entretenues. C’est dans cette perspective que nous entendons les propositions actuelles des uns et des autres, santé, justice, police, associations et auxiliaires, offrant de nouveaux lieux d’interventions ou encore de nouveaux profils d’intervention.
Ce renouvellement s’inscrit dans une histoire longue, à étapes ; il se tient dans le champ de la maltraitance en lieux clos, i-e auto suffisants, ayant ou ayant eu tous les caractères d’un espace privé aux frontières identifiées plus ou moins clairement, identifiables sur la base d’un droit d’intervention d’une puissance (publique) extérieure. On peut les énumérer : famille, école, institutions religieuses ou publiques, entreprises, lieux publics. On peut énumérer les statuts de ceux ou celles que la préoccupation de protéger a mis en évidence : enfants, femmes, grands-parents…élèves, stagiaires, croyants,…collègues, paysages, atmosphères animaux…1
Pour nous aider dans cette construction, en effet miroir des dé légitimations contemporaines, deux conceptualisations majeures : 1-emprise comme entreprise systémique dans le cadre conjugal, 2-dangerosité versus vivre ensemble dans le contexte d’intervention. Et, ce qui s’ensuit. 3-développements des dispositifs préventifs, des profils de construction de prise en charge, tant professionnelle que tenant aux acteurs du cadre conjugal. 4- pour ce qui reste à faire, en marge des pouvoirs, pour d’autres régulations.
1- L’ Emprise comme entreprise systémique, de destruction du cadre conjugal
Le cadre conjugal est la mise en forme d’une structure paritaire, cadre anthropologique et psychique. Son objet est la parité, des droits égaux et leurs équivalents en devoirs, dans un projet se rendant commun et répartissant contributions et rétributions.
Ce cadre conjugal n’est pas à confondre avec les options amoureuses qui ont pu contribuer à donner corps à ce cadre. Les modes d’attachement renvoient à une analyse autre, axiomatique, éventuellement psycho-pathologique. L’axiome ne dit pas « qui êtes-vous ? », mais quels sont vos appartenances, normes et valeurs et le cout (gain/bénéfices) du maintien de celles-ci et celles-là, en fonction de quels milieux favorables ou aversifs. La psycho-pathologie cherche une forme identitaire inconsciente (structure).
Parler de violences conjugales c’est d’abord se donner les moyens de concevoir comment se réalisent les attaques contre ce cadre paritaire. Comment le « paritaire est pris à partie » et est ou devient pour le porteur actif de sa destruction, une exigence « toxique ».
C’est le concept d’emprise qui vient analyser cette destruction ; l’emprise met en confrontation ouverte des normes et des valeurs, sur le mode de la transgression/infraction. Ce que garantit a priori, le cadre, devient l’objet systématique d’attaques. Normes et valeurs personnelles, conventionnelles, héritées et construites sont maltraitées. La prise de possession du cadre se fait par des stratégies ordonnées sur la garantie d’un pouvoir et d’un contrôle permanent, direct ou indirect. Ce qui se rend visible par les instrumentalisations, manipulations des objets identitaires et d’appartenance du partenaire. Ce que l’on nomme harcèlement est un des facteurs d’une plus vaste entreprise, forme opératoire parmi d’autres : punitivité (répressive correctrice, type récompense/ punitions instables), double sens (imposture), enfermement (à finalité dissociative).
Cette emprise est à penser comme un système, à travers des catégories de comportements repérables et sur des lieux non aléatoires. Ce système vise la clôture et la déréalisation, sur une idée prévalente imposée par l’acteur dit violent, avec des modes opératoires organisant le retour, la répétition, soit par des insistances sur la non-valeur de celui qui subit, soit par une punitivité exemplaire, sous couvert de corrections/répressions. Sur l’un des axes il s’agit d’organiser un isolement « fétichique » (garantit de la forme identitariste de l’acteur violent), une clôture, sur le second, de se garantir de tout retour en arrière en déréalisant instamment et continument tout autre référence à soi-même.
Schéma de la structure Emprise
**
2-Deux concepts hétérogènes, libre arbitre et vivre-ensemble.
Pour comprendre ce que situations à risques veut dire il faut resituer ce concept dans une histoire, celle de la rencontre -de la médecine aliéniste avec la justice et le droit pénal, -du droit avec la question de la protection.
2-1 Dangerosité/situations à risques, deux concepts qui ont fondé en raison, des champs d’exploration et d’intervention aux contours très différents. La mise en danger, en renvoyant à la responsabilité, ordonnait une étude des auteurs sur la base de leur libre arbitre et de leur discernement, les situations à risque ont contribué à élaborer des dispositifs de prévention par étapes2 ; chacune d’entre elles renvoyant à des moments différents d’une situation active, délétère pour soi-même est les autres. La mise en danger par exemple, a contribué à construire la nosographie psychiatrique, le vivre ensemble créant la situation à risque, a engendré les notions de prévention primaire, secondaire, tertiaire, la notion de préemption, le principe de précaution ou de vigilance. Dès lors il y a eu des conditions à surveiller au lieu d’un état à soigner. L’évaluation des risques a fait apparaitre un inconnu : la victime comme personne et plus seulement comme citoyen individu ayant subi des dommages caractérisables, formellement identifiables, et susceptibles de compensations.
Ce qui se dit en termes médicaux se dit également en termes de droit. Le droit comme la psychiatrie (positive) sont peu faits pour intervenir en deçà d’un état constitué. Ainsi par exemple, peut-on lire (et souvent) qu’un tel ou un tel auteur de violences ne présente aucune dérégulation lui interdisant de continuer « d’être un bon père et un mauvais mari ». Le droit comme souvent la médecine, n’est pas « systémique », holistique, son territoire est la division.
Au registre du vivre-ensemble, « intervenir » pour en constituer les violences conjugales, leurs caractères infractionnels ou criminels est insuffisant. Et l’on sait que la notion « violences conjugales » n’existe pas dans le code pénal, pas plus que celle d’inceste : l’une et l’autre n’existe que par une somme de comportements infractionnels dans un contexte de bénéfices indus, puisque l’infraction se tient dans ce qui a été fait par abus, excès, (contraintes, menaces, surprises), détournement.
La violence des violences conjugales est d’un ordre très particulier. C’est parce que la violence en cause n’est pas aveugle mais organisée et punitive, (auto- et hétéro-) que l’on doit reconsidérer les modes de lecture, de traitement et d’orientations des changements en cours. Cette violence-là ne se laisse pas de manière évidente, saisir par des traits de comportements formels.
2-2 Les violences conjugales confrontent souvent à ce qui fait un non-sens pour un observateur, [rester/partir], au regard de la mise en danger de soi et de la responsabilité à ne pas prendre de décisions. Si un tel est dangereux il semble évident qu’il faille après en avoir pris la mesure, s’en éloigner, l’éloigner, poser les gestes barrières nécessaires à sa propre survie. Faire usage de son libre arbitre et de la rationalité « responsable » va de soi, ou le devrait.
Cette rationalité est d’une toute autre dimension lorsque le concept de libre arbitre est remplacé par celui du vivre-ensemble ; au libre arbitre fait symétrie la rationalité de l’évaluation des risques, laquelle suppose des réaménagements constants de ce qui ne change pas, le vivre- ensemble et le projet qui le soutient. Dans ce cas, ce n’est pas l’homme dangereux que l’on éloigne mais ce sont les éléments dysfonctionnels d’une situation qui vont faire l’objet de réaménagements infinis. On voit d’emblée le problème qui va se poser (lorsqu’on raisonne sur le mode du libre arbitre), celui du consentement, d’une alliance complice, etc. d’une mauvaise foi.
Au regard de l’entrée par « évaluation de risques », l’existence est engagée dans un projet dont la révision ne peut se faire du jour au lendemain, sinon comme un caprice. Il y a dans la résistance (à tout changement) qui lui est opposé, trop de loyauté et de fidélité pour qu’elle puisse, d’autre part, donner lieu à l’idée même de demande d’aide. Si demande il peut y avoir, c’est pour aider à ne pas changer la décision initiale, et à tout mettre en œuvre, (enfin ce qui est possible), pour aménager préventivement toute répétition ou réitération à risques, dans l’in conduite du projet.
Rester-Partir |
Dangerosité |
Libre arbitre |
nosographie |
Faire référence à un tiers |
Rester-Partir |
Vivre-Ensemble |
Evaluation des risques |
Hot Spots, |
Aménager |
Schéma des Rationalités de Résistances à la rupture dénonciatrice du cadre conjugal
Autant d’offres dédiées que de représentations du problème. Les problèmes supposent dans l’un et l’autre cas des traitements différents. Considérons que notre histoire a œuvré jusqu’à présent sur la base de la mise en danger et a organisé des dispositifs de recueil de celui-ci, de son traitement et de la valeur exemplaire qu’il peut donner en représentation.
Dans l’un, et pour ce faire justice et santé, outre leurs compétences propres, et leurs statuts dans la hiérarchie des interventions, ont inventé des auxiliaires de traitement pouvant intervenir à des moments différents ; chacun d’entre eux, en supposant pour la personne en cause, une claire conscience de son état et la rationalité qui va de pair (être adulte, autonome et responsable, cesser par exemple de faire l’hystérique, savoir ce que l’on veut vraiment faire, etc.). Justice et santé ont de fait prescrit un traitement par rapport à ce qui leur faisait symptômes premiers, les écarts à leurs normativités. Restent à traiter tout ce qui reste aux marges de celles-ci.
Ce sont ces marges que l’on peut rendre cohérentes ou encore autrement rationnelles si l’on conçoit le problème au regard du concept ou de l’entrée par les situations à /de risques, i-e par le dispositif de type préventionel. Ce qui fait non-sens pour le modèle de mise en danger (rester/partir) n’est plus ici de même nature. Au regard de ce qu’il y a perdre (la vie), les mises en danger ne sont pas les mêmes puisque il s’agit ici, de projets de soi et de leurs mise en perspectives, au travers du choix initial, organisateur. Rompre le projet initial, suppose la conscience d’une autre nécessité et celle-ci ne peut se faire seule, « en toute indépendance ou libre arbitre ». C’est dans ce cadre que se nouent, par exemple, les enchevêtrements entre consentement et assentiment et l’incompréhension de tiers dotés de l’extrême capacité aux « yakas », ou encore toutes les compositions comportementales visant à ne considérer que comme accessoires, même si cela coute cher, les assauts contre soi, de la part du partenaire dont la violence d’emprise peut être extrême ; accessoires, cela s’entend, au regard d’un projet qui ne peut varier dans ses fondements.
« En passer par là » rend bien compte que le projet ne peut se défaire et qu’à certaines occasions le besoin de distance peut voir le jour, par trop plein de ce qui est « les accessoires », d’une part. Et d’autre part, sortir du silence exige un interlocuteur légitimé. Cela ne va pas de soi tant c’est l’interlocuteur légal (justice, santé, auxiliaire) qui se présente à la conscience, ou tant encore, cet interlocuteur légal est dé légitimé par nombre d’expériences tant personnelles que entendues ou échangées.
C’est dans ces conditions, sortir d‘une urgence, qu’un appel à témoin peut se faire. Un témoin qui ne peut être envisagé comme élément d’une rupture à venir mais comme abri provisoire, instance courte et sans territoire d’affiliation, défense provisoire. Témoin qui doit être plus ou moins à l’écart des grands dispositifs (gendarmerie, police, etc.), de la rupture, de la vie et de la mort du projet (le couple, la conjugalité, etc.). Ce qui est accessoire ne peut se dire qu’à ce qui est auxiliaire. Ce qui fait « auxiliaire » doit être conclu dans cette perspective dans une échelle d’accompagnement du moins présent ou durable au plus durable. Entre, laissant le moins de traces possibles derrière soi et le parrainage, par exemple. Des marges sont à investir, de l’auxiliariat à inventer quand des mages se créent dans l’expérience : ces marges de l’expérience sont ce qu’on appelle le déclic. Ces déclics pour être suivis ont besoin d’une occasion. Il s’agit alors d’organiser des occasions, mais pas n’importe comment.
Laisser le moins de traces disponibles pour un tiers ou pour soi-même est la condition pour sortir du silence. Un « entre deux silences » est nécessaire pour pouvoir faire histoire refaire histoire avec soi-même, faire histoire avec un autre, un interlocuteur provisoire, entre deux.
C’est dans ces contextes, alors que le taux de violences dévoilées augmentent, (épidémie de dénonciations), l’autorisation à en parler, en parler comme autre « comme moi même » le fait, que se sont inventées( en modèle conjoint ministre de l’intérieur et de la justice3. ) les dernières plates formes d’accueil d’une parole, émergente sur le mode éruptif/intrusif. Invention de dispositifs, alors au plus près d’une dynamiques situationnelles singulières des personnes en difficultés, aux prises avec des difficultés à se dire : comment trouver une issue. Rien qu’une issue, sans plus.
3-Penser la prévention comme traitement des situations [contextes conjugaux violents] à risque.
Les débats les plus récents sont organisés sur une injonction, « on ne peut plus attendre » que la situation trouve d’elle-même sa résolution. Avant de chercher à régler à la place d’un autre (traitement formel judiciaire) il faut trouver les moyens de rendre le problème que se pose la victime de … évident, de l’inscrire dans une catégorie sociale non stigmatisante. Qu’un problème trouve sa place dans une offre déjà-là, au même titre qu’un mot vient à la place d’un autre. Penser la prévention est penser avant le traitement du problème, ce qui fait problème.
Le constat : Les préventions primaires et secondaires des situations à risques se sont étayées sur des organisations ou dispositifs sociaux déjà là, dans la marge des organisations de santé et de justice. Préventions pouvant offrir, au gré des personnes victimes de ces violences,
-Des espaces structurant, pour écouter : des structures d’hébergement, permettant d’échapper aux violences, des lieux d’écoutes et d’information dépendante des structures ci-dessus. Des lieux d’écoute et d’information d’une cause commune.
-Des espaces aléatoires pour des opportunités ou des moments, où « l’avoir à dire » contraint à sortir du silence, pour l’on ne sait quelles raisons ou quels motifs, s’impose comme sortie d’un silence (de déni). Faire entendre ne signifie pas « pour écouter », faire entendre suppose un interlocuteur anonyme, dont la durée de vie est a priori incertaine.
-Des espaces pour prendre en compte, faire entendre. Faire entendre ne signifie pas « pour écouter », faire entendre suppose un interlocuteur anonyme, dont la durée de vie est a priori incertaine : des lieux de prise en compte formelle, déplacement ou créations d’espaces dédiés, ne plus avoir à se déplacer rendu possible faisant, éventuellement, condition de déplacements futurs.
Comment sortir d’une situation de confinement d’emprise est pensé, rendu publique, valorisable. Une issue possible sur un pari qui n’est pas encore constitué est proposée, en tirant profit de tout moment où le confinement laisse des brèches et promeut la fugue.
Sur le modèle pandémique et en termes méthodologique d’une population à risques, restaient à penser l’intervention au plus près, des offres dédiées à des espaces encore inédits. L’objet change, insidieusement : d’une population en risques, vers une population à risques, pour une population à protéger. Semblable problématique s’était posée pour l’adolescente : conduite de risques/ conduites à risques4.
*Des espaces détournés de leur fonction originelle mais capable de penser l’anomalie : les pharmacies par exemple, qui par affiche discrète et dans la confidence peuvent faire passer un mot. Mais aussi des espaces de consultation médicale plus ou moins mis dans la situation de n’avoir pas à garder pour eux même les informations, dans la contrainte de formuler les questions devant autant d’éléments cliniques de violences subies, maltraitances perceptibles ( le serment d’Hippocrate, la confidentialité, etc., )
*Des personnes autorisées à rendre compte d’un message reçu ou d’une observation critique. Les porteurs de parole.5 Tout ce qui peut faire ambiguïté d’un message s’y trouve : énoncer ou dénoncer, atteinte à la réputation, peur des représailles, loyauté, etc.
*De Nos de téléphone6 supposant un interlocuteur averti, un site internet permettant le non face à face,7 une messagerie instantanée avec géolocalisation permettant de donner l’alerte en cas d’urgence (Espagne). Une application gratuite App-Elles. Des alertes par simple texto au 114 ; un message est laissé qui permet d’appeler la personne dont on sait qu’elle court un risque.
-Des espaces d’auto-diagnostics pour avoir à se dire. Par exemple, un formulaire pour une auto diagnostic, sur le modèle des fiches de violentomètrie. Se dire ou se faire savoir sur un modèle de représentation, apprendre une langue pour se dire et se rendre intelligible pour un tiers informé.
-Une autre exemplarité prend forme, elle n’est plus celle d’un texte appliqué à la lettre, d’une professionnalité réduite à ses règlements : c’est à la marge que se tienne les exemplarités. Les exemples osent se dire, d’une action continuée au-delà des portes du cabinet, du bureau ou du barreau. Ou encore, dans les disponibilités d’un service : « si les policiers sont pris dans l’organisation d’un confinement quelles seront les effectifs disponibles pour prendre les plaintes, s’inquiète A.C. Jelty8, « déjà qu’en temps normal il s’avère difficile de déposer plainte ».
De fait s’organise une prévention primaire/secondaire/tertiaire aux allures nouvelles et aux exigences sociétales, parfois quelque peu transgressives. « Si l’on entend de la violence, on peut aller sonner chez la voisine en respectant les gestes barrières pour voir si tout va bien » H. Schiappa, 19 mars. Ou encore, « il est interdit de sortir mais autorisé de fuir ». Offres de transgressions, la transgression comme modèle opportun pour une issue provisoire.
4- Une prévention en tant qu’approche institutionnelle.
Ce bousculement des offres fait retour à une autre histoire, en psychiatrie avec la découverte par celle-ci de l’approche institutionnelle d’une part et d’autre part le développement d’organisations mettant en œuvre une communauté d’intérêts, en marge des soins traditionnels construits et offerts par traditions, sur le rapport exclusif d’une filière, médecin /infirmier/psychologue/assistant social/ malade. Analogiquement on y repérera aussi les transformations pédagogiques ou l’ouverture institutionnelle des espaces pénitentiaires.
Le changement fondamental s’est tenu dans le rapport du malade à la maladie diagnostiquée, ou de l’élève à son temps pédagogique. Dans le champ psychiatrique, s’organisant en communauté d’intérêts, se donnant à voir en termes de références juridiques, contribuant à organiser un mode d’existence de soi même avec les autres, de soi-même avec la maladie intruse, répartissant des rôles et fonctions au regard du cout et des bénéfices de ces appartenances nouvelles… le malade devenu acteur social, s’engendre dans du projet, avec une pluralité d’acteurs professionnels de tout horizon.
Le projet est et devient prescription et exutoire, avatar d’expériences, auto expérimentation.
Nombre de concepts « intermédiaires» se sont formalisés : la compliance a pris de nouvelles configurations, le concept de résilience a inventé de nouvelles organisations sociétales, la désistance a exigé de nouveaux dispositifs. Au lieu d’un défilé nosographique ou sémiologique… les références aux climats et aux ambiances sociétaux sont devenus fondamentales.
Dans une telle reconstruction, ou construction en marge, à côté, le projet devient dès lors une prescription partagée : en tant que vivre ensemble dans une communauté partageant des soucis, communs et autres, et œuvrant à la construction de solutions, d’aménagements. Être malade ne veut plus dire être réduit aux prescriptions médicales, pas plus qu’être élève de se réduit aux modèles du bon élève.
Etre dans la situation de « contextes conjugaux violents » ne veut plus dire s’y réduire… à la condition de pouvoir/vouloir apprendre la langue parlée par tous les spécialistes qui dépossèdent la personne, ici victime, en méconnaissant les propres difficultés de celle-ci à parler sa langue.
Un objectif se dessine, apprendre à se parler, dans sa langue propre, celle de son projet et du cout de celui-ci. Une méthode se prescrit sur un objet spécifique : la « maladie » du cadre avant toute chose, le projet avorté, avant toute considération trop facilement psychologique et d’interprétations « sauvages », hors du cadre.
La maladie du cadre ? Ce que l’entreprise EMPRISE en a fait, inabordable autrement que par le témoignage. Expérience destructrice de la disparité.
Ce faisant il est possible de mieux comprendre les inventions sociétales associatives autour de la dénonciation de comportements nommés abus et de l’indifférence qui l’accueille. Comme il est possible de prendre en exemple négatif/illustratif a contrario, les tentatives avocates d’utiliser les incidents de procédures pour exiger la fin de poursuites et en conséquence la continuité à venir des destructions psychiques et physiques, ou les exigences de l’accusation de ne s’en tenir qu’à un point de vue moral, pour rendre exemplaire la décision finale. Usages abusifs du texte ou des conventions : répétition des punitivités subies, en faisant disparaître le contexte.
Apprendre sa propre langue et apprendre à parler par la langue d’un autre, pour se dire, exige un accompagnement renouvelé. Devenir témoin ne va pas de soi. Cela ne s’apprend que sur le tas, en présence. La présence d’un tiers avocat ne suffit pas, celui-ci ne peut entendre que dans le cadre de sa langue. On en dira de même des psy-, sans culture criminologique (agressologie et victimologie) se tenant dans un hors cadre.
Créer de la présence peut devenir cette expérience fondatrice d’un retour, d’une ré organisation ; cette création est envisageable dans le contexte de groupes de débats, dans un entre soi, par l’entremise d’expériences solitaires et que l’on sait communes par le média du bouche à oreille. De tels groupes ne peuvent avoir comme vocation d’être thérapeutiques, sinon de surcroit. Leur projet est pédagogique, dans le sens d’une psychagogie.
Travailler sur le cadre détruit, en cours de destruction et en faire l’exposé, en même temps que l’analyse, de telle manière que cela ait du sens pour un tiers intervenant et/ ou futur décideur, par exemple, pour les intervenants judiciaires, (etc.) c’est se donner une représentation de ce qui fait traces et sens, pour cet autre. Le déplacement d’angle est de ce côté : ce qui fait sens pour un tiers, ce qu’un tiers peut dire de son incompréhension afin d’en savoir plus sur ce qui va être dit d’une expérience. On est donc loin du « parler, je vous écoute…associez… », Et plus proche de « expliquez-moi, dites-moi pourquoi je ne comprends pas… », Mettant ainsi tout interlocuteur participant en position de miroir actif.
Des inventions existent déjà sous cette forme en d’autres domaines, par exemple le Théâtre Forum. Dans notre propos, la forme analogique est le Groupe Forum dans lequel des participants d’une cause commune (témoigner de violences conjugales, tout autant des attaques du cadre paritaire que des options d’attachement), en situation de parrainage (jamais sans référent), proposent leur expérience comme espace miroir, objet de mise en sens, à travers ou à partir des incompréhensions rencontrées, dans ce qui a fait cadre conjugal, qui fait cadre judiciaire, cadre d’intervention sociale, cadre médical, etc. Témoignage du négatif afin que puissent se mettre en contraste, désespoirs et attentes, etc.
Nul doute qu’il faille pour cela des professionnels qui ne s’auto suffisent pas dans leurs discipline référentielle et leurs acquis sociaux.
Ce dispositif n’exclut pas les dispositifs déjà existant mais, en se tenant à côté, fait contraste avec ceux- ci et leurs acteurs traditionnels, obligeant ceux-ci à déplacer savoirs et savoir-faire. Une autre histoire est en train de s’écrire.
**
DIAPORAMA « Que veut LA DANGEROSITE ? » (CIFAS Montreux 2011).
Notes : réflexions élémentaires sur le concept de populations à risques, d’états ou de statuts vulnérant.
Vulnérables |
Maltraitances, espaces clos, espaces rendus privés/ouverts-ouverts/anonymes |
Enfant |
Protection de l’enfance |
Femme |
Droits des femmes |
Grands parents PA |
Violences à parents EPHAD, |
Ecologie |
|
Animaux |
|
Sans abri |
|
Lieux publics |
|
Ecole |
|
Institutions de recours |
Professionnels et burn out
1 Voir tableau en annexe.
2 Villerbu L-M, (2011) Que veut la dangerosité ? Congrès CIFAS, Montreux. In, site villerbu-crimino. fr
3 « pour freiner cette explosion des violences domestiquées, intervenir reste une priorité ». C. Castaner, 27mars 2020.
4 J.-L. Pedinielli, G. Rouan, G. Gimenez, P. Bertagne.(2005) Psychopathologie des conduites à risques Psychopathologie des comportements à risque, Annales Médico-psychologiques, Volume 163, numéro 1 , p. 30-36.
5 Rennes. TGI Rennes et St Malo. « Possibilité pour le primo confident (quel soit son statut) de pouvoir aider une victime en transmettant avec son accord quelques informations sur la situation, à des professionnels spécialises, en capacité d’aller vers cette victime pour confidentiellement l’écouter, l’accompagner, la conseiller ou lui proposer un rendez-vous pour une plainte… » . Objectif, se mobiliser et aller vers la victime. Un bordereau est proposé, sur le modèle premier recueil d’informations, en gendarmerie, avec une méthodologie d’accompagnement.
6 Le 17, urgence police, 3919 écoute et accompagnement.
7 Plateforme arrêtonslesviolences.gouv.fr ; ouverte 24 h, 7jours sur 7. « Dialoguer avec les forces de l’ordre formées aux violences sexistes et sexuelles de manière anonyme et sécurisée. Attribution d’un et téléphone portable adéquat et du matériel informatique afin de mettre en place une écoute à distance.
8 Directrice CIDF de Nanterre.