Je te veux impeccable, le cri d’une femme.

Violences conjugales, 30 novembre 2013,

Théâtre Maison de Quartier de Villejean
« Je te veux impeccable, le cri d’une femme. »

Texte écrit à partir du témoignage d’une femme ayant subi des violences conjugales.

Co auteurs : Ecriture Loïc Choneau, Témoignage Rachel Jouvet
Illustration  :Rayto

Compagnie-Théâtrale-Quidam – Comédienne : I. Séné

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La volonté de faire d’un témoignage un cri mis en scène est bien plus qu’une écriture de soi. Il faut du talent, de l’audace et la réaffirmation d’une utopie morale et psychologique nul n’est seul, devenir responsable ne s’apprend que dans la douleur de soi, pour se comprendre et s’interroger dans un manifeste qui fait de la misère de soi le relai de la misère du monde et de celle-ci une mythologique sans cesse renouvelée, une écriture sans cesse recréée d’une condition fondamentale réduite à une situation originaire, le dénuement, quand basculent les évidences nées de ce qu’a permis de découvrir un attachement, un amour, un se sentir amoureux, bien avant sa mise en relation.

Les violences conjugales sont ici une figure dramatique et universelle de la condition amoureuse, celle-ci étant à la fois ressources et destructions. Le souffle dramatique d’une épopée amoureuse, un conte de fée qui se termine par celui de l’ogre, l’aimé devient maudit, la douleur se fait scène. Envers du crime d’aimer.

La violence qui prend forme chez la comédienne I. Séné, sidère. Une telle violence emporte le spectateur. Qui risque de n’en pas revenir. Le silence se fait et s’entend, les corps se penchent vers la scène. Une unité corporelle s’esquisse, les frontières disparaissent, les enveloppes se déchirent. La sidération, l’emprise est totale et se profile dans des gestes muets, le mouvement de tendre la main, en vain, parce que personne ne peut la prendre. Une telle violence fera qu’on n’y croit peut être pas.

De la violence de l’attachement, de la violence conjugale nait l’insupportable émotion qui jaillit quand le silence se fait lourd, s’impose en tristesse, conduit aux bords des larmes. Les larmes et les cris nous prennent par la main et nous nous sentons fondre.

Combien d’entre nous peuvent aller jusqu’au bout de telle esquisses d’émotions ? Que découvre-t-on de soi à cette limite  qui contraint à reculer ? Quand se mêlent effroi et transparence ?

Le spectacle immerge le spectateur qui ne peut plus tenir sa place quand l’autre se réduit à un revers de main, un haussement d’épaule sur lequel nous pourrions nous appuyer pour ne rien voir ou entendre. Motifs de faire encore un peu plus silence, de ne pas déposer une quelconque plainte.
La violence des émotions ici reconstitue le temps de la destruction de soi et prépare la catastrophe finale,

« … Les premiers coups j’étais prête à les recevoir, ils avaient été préparés, dévalorisation, isolement des amis, perte de confiance en moi, je me culpabilisais donc je les méritais et je ne pensais pas, je n’allais pas partir pour une claque et les coups se font de plus en plus fort de plus en plus mieux placés, on ne peut pas partir parce qu’ on se culpabilise, j’étais enceinte et il fallait que je déconstruise ce que j’avais créé dans cette histoire… ».

Bien plus que l’éclipse d’un monde c’est une mise à nu, toujours quelqu’un, soi ?, se regarde regardant… sang et larmes exposés, répandus. La décomposition des éléments scéniques se fait mime de la décomposition des sentiments, d’un corps qui s’avachit les prémisses d’une raison chancelante de dessine, la détérioration d’un soi devenant introuvable crée les éparpillements et le morcèlement de la scène elle-même dont les accessoires minimalistes se prêtent à toutes les contorsions de la douleur et à la destruction de toute forme que le cri réfléchit. Puis la honte se mêle à la pitié, c’est par là que nous nous sauvons de la panique envahissante quand nous commencions à ne plus savoir qui nous étions, vers où nous étions emportés.

Quand nous commençons à nous débattre, à nous reprendre alors cesse la … communion qui faisait de nous de pures et strictes émotions, des émotions réduites à une stricte sensitivité.

Plus qu’une pièce ou plus qu’une écriture ici c’est du monde qui se récrée et se défait, dans une de nos conditions humaines les plus paradoxales : quand l’amour va à la mort, quand la mort guide l’amour, quand la déchirure se fait passage obligé, quand l’attachement le plus idéal est grevé de culpabilité, quand l’opprobre se raconte, quand la déchéance se mime, quand la haine se fait miroir de la peur de mourir, quand la vengeance prépare les demains ordinaires, quand ce qui a été appris par un père et par une mère des frontières familières renverse ce que veut dire ensemble, aimer, besoin d’aimer et besoin de faire savoir que l’on aime…souffrir d’être aimé(e), souffrir. C’est bien à une figuration de l’exode et l’exil ramassée sur ce que nous pourrions avoir de plus précieux.

Nous sommes bien loin des figurations algébriques du droit pénal qu’une main courante chercherait à interpeller, au cas où… Les violences conjugales ne peuvent se réduire à quelques articles aussi aménagés qu’ils le soient, du code pénal. Il faut ce souffle pour en estimer toute la distance.

Pr L-M Villerbu, le 2 décembre 2013

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